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Le droit à l'ignorance


«Je revendique le droit à l’ignorance.» (Roland Barthes)

C'est la mode, malheureusement. Cette ignoble pollution de nos fils de réseaux sociaux par tous ces trucs-machins d'une inutilité exécrable s'est finalement incrustée dans nos mœurs. Déjà, apprendre à défricher à la faux le vrai du faux est un exploit des plus démentiel, c'est juste malaaaaaade tellement l'information est manipulée, façonnée, pétrie pour nous faire impunément croire que Donald Trump pourrait être président des États-Unis (euh...wait...) Je dirais même plus que c'est un art que peu de gens maîtrisent encore en ces années folles de l'Internet... ou de l'Internet des fous, c'est selon. Même les médias les plus papaux en sont dépassés et se font avoir tout de go comme des débutants, publiant de fausses nouvelles à l'apparence véridique ou niant de vraies nouvelles aux airs suspects. Les faussaires du web s'amalgament avec les virtuoses de l'information, nous faisant perdre de par cette cacophonie le peu de latin qu'il nous reste (Veni Vedi Vici... Erratum... Atchoum.)


En bonnes autruches que nous sommes, nous gardons la tête profondément enfouie dans le sable chaud, ne montrant que les plumes du cul. Nous polluons pourtant tous, sachez-le, oh que oui!, au cas où vous étiez dans le déni. Je plaide moi-même coupable de partager des photos d'un certain club sportif et ce, à un rythme éreintant, en pensant faire croitre la culture foot sans m'imaginer que je vous tape peut-être sur les nerfs big time. L'information, la vraie, la digne, devient plus que granulaire et est enterrée vivante sous un sablonneux monticule de faits divers loufoques, d'épouvantables supercheries du web, de palmarès bidons, de saveurs du mois, de quiz, de psycho pop à la con, de truculentes photos truquées, de conseils à la réglisse, de propagande anti-ci et pro-ça. Alouette.


Je revendique donc aujourd'hui le droit à l'ignorance, comme le clamait Barthes. Mon droit. Celui de fermer tout bonnement les yeux comme une gamine effrayée, de me boucher les oreilles. Le droit de prendre un pause, d'être chaste d'infos, voire virginale quand ça me chante. Certains vous diraient même qu'ignorer, c'est être libre de choisir sans contrainte idéologique, égoïstement et à chaud. Ils ont probablement tort, mais n'empêche que la simple idée d'ignorer, de mettre la switch de son cerveau à off pour un instant, reste délectable face à ce fleuve cybernétique de banalités mondaines qu'on nous vomit sans pré-mâchage.


Non! Il y a des choses qui ne devraient jamais se rendre à notre esprit, point barre.

Je vous en ai listé quelques unes (ah non! Voilà qu'elle commence avec sa liste, direz-vous!) Si vous ne voulez pas être pollués, c'est ici que votre lecture doit se terminer. Si vous poursuivez, il s'agira d'un point de non-retour, mais je vous jure qu'en continuant, vous risquez de sourire un brin, et ça, ça vaut de l'or après une longue journée de besogne. Je dis ça comme ça, vous savez.


Donc allons-y. J'ouvre le tiroir de mes griefs. Quelles infos ne veux-je pas avoir?


La sexualité


Entre autre, je ne veux pas savoir, par exemple, les bienfaits supposés de la douche vaginale ou toute la liste des signes que mon vagin est en santé... ou pas. Outre les trucs liés à l'orgasme, au point G ou au «gnaka-gnaka», que les pseudo gynécos facebookiens sans scrupules, ces auteurs de textes de zizis, se taisent pour l'éternité! Ce genre de textes, ça capte notre attention avec un titre aussi intriguant qu'une James Bond girl aux jambes interminables, ça nous promet la revolución, ça nous laisse présager des résultats au rendement comparable à un quelconque élixir, mais finalement, on découvre en grattant un peu la galle que les sources sont aussi imbuvables que l'eau de mer.


Les formules de tous acabits


Aussi, je ne veux pas avoir accès à un quelconque recueil de formules mathématiques pour me bourrer le crâne de vent. Je n'aime que la célèbre (et facile) règle de trois, ma règle chouchou. D'ailleurs, pourquoi voudrais-je savoir que F=MA , ou tout autre équation apprise hors contexte? Déjà, c'est chiant à mort de les mémoriser et j'ai d'autre chose à faire que de perdre mon temps aux cLa maudite météo Et les prévisions météorologiques à long terme, elles? Ne faut-il pas être totalement masochiste pour s'y intéresser sérieusement, compte tenu qu'elles ne s'avèrent pratiquement jamais sur la coche, qu'on ne sait même pas ce qu'on fera dans quatorze foutus jours, et qu'elles ont le tour de nous pousser le moral dans les talons, de nous faire plonger, quand on s'y attarde, dans ce lac glacial de dépression aux fonds vaseux et puants? On le sait déjà, de toute façon, qu'au Canada il n'y a que deux misérables saisons: les moustiques intimidateurs et le frette[1] nordique. Pour le reste, il y une carte de crédit bien connue qui nous permet de nous envoler presque en claquant des doigts pour Varadero le soir même pour une douce semaine d'amnésie rhum-coco.[1] froidhiottes. En plus, outre impressionner le mec avec qui je soupe au resto pour la première fois et qui n'a aucune conversation, qu'en ferais-je? Est-ce que ça me sert à me faire cuire un œuf? Et même en cuisine, la simple règle de trois me permet déjà de convertir, d'adapter, de réduire, de doubler, et il en résulte de superbes croissants au beurre, des profiteroles, des tartes meringuées et autres délicatesses sucrées. Pour le reste, je peux toujours enfourner une pizza surgelée qui ne nécessite que vingt-cinq minutes de cuisson et comme je la mange en entier (chut!), je n'éprouve même pas le besoin de connaître les rudiments des fractions pour la couper! Au diable Pi=3.1416, E=MC2, le théorème de Pythagore et Cie! La règle de trois for president et mes petits gâteaux gonfleront toujours parfaitement.


La maudite météo


Et les prévisions météorologiques à long terme, elles? Ne faut-il pas être totalement masochiste pour s'y intéresser sérieusement, compte tenu qu'elles ne s'avèrent pratiquement jamais sur la coche, qu'on ne sait même pas ce qu'on fera dans quatorze foutus jours, et qu'elles ont le tour de nous pousser le moral dans les talons, de nous faire plonger, quand on s'y attarde, dans ce lac glacial de dépression aux fonds vaseux et puants? On le sait déjà, de toute façon, qu'au Canada il n'y a que deux misérables saisons: les moustiques intimidateurs et le frette [1] nordique. Pour le reste, il y une carte de crédit bien connue qui nous permet de nous envoler presque en claquant des doigts pour Varadero le soir même pour une douce semaine d'amnésie rhum-coco.

Les vedettes


Ah! La vie des gens plus riches et plus célèbres que nous! Ça fait sourire, ça fait rêver, ça scandalise, bref, on aime ça, car nous sommes tous par nature foncièrement atteint de voyeurisme aigu. Il faut cependant apprendre à distinguer les potins de type «grand public» des ragots de type «je suis cloué au lit car j'ai une grippe d'homme», parce que plus on consomme le mauvais genre de mondanités, plus les paparazzi nous bombardent de gros n'importe quoi. La loi de l'offre et de la demande, ça vous sonne une cloche? Tenez par exemple: Si votre maman adorée saute dans votre piscine parce qu'il fait 32°C à l'ombre et qu'en ressortant, sa petite culotte de bikini laisse entrevoir, Oh! Sacrilège! sa charmante fesse gauche fraîchement tatouée des initiales de son chien Tao le toutou, pourquoi l'info mériterait de franchir les clôtures de votre cour arrière? Je ne veux pas le savoir et encore moins le voir. Donc, c'est la même chose qui s'applique pour les têtes couronnées de ce monde, les «veudettes», les «politichiens», les athlètes millionnaires, dont les hauts et les bas font souvent les manchettes. Foutez-moi la paix avec les péripéties de la puberté du petit prince héritier, ou des chicanes de ménage de la duchesse avec son futur chevalier servant. En fait, j'aime pas trop les chapeaux bizarres avec des plumes, sauf si c'est P.K Subban qui les portent.


La bouffe


Dans un tout autre ordre d'idées, l'alimentation est aussi un thème en surabondance sur le web et dans les médias plus classiques. À en croire les moult articles de propagande et pièges à clics, la nourriture nous tue. Tout donne le cancer. Tu n'as pas lavé ta pomme? Tu vas avoir le cancer. Tu bois l'eau du robinet? Tu vas avoir le cancer. Tu manges de la viande rouge? Tu manges du soya? C'est la même chose à la fin: Ça donne le cancer. Les méfaits de la malbouffe sur la santé, on les connait, quand-même. Pas besoin de me montrer des photos d'artères bouchées et dents cariées sur Insta-truc, de me matraquer que mes fesses vont grossir, beaucoup grossir, que mes sinus vont s'obstruer comme un aspirateur central mal entretenu, que je vais avoir un colon aussi irritable que Poséidon le dieu des Mers, que je vais faire de la rétention d'eau telle une éponge marine, avoir d'énormes boutons plein le visage angélique, des pellicules à la tonne (il neige?) ou une zone T grasse comme de l'huile de cantine... Oui, si je me gave de frites et de poulet frit, je serai plus propice au diabète, aux infarctus, aux ACV, au vieillissement prématuré (lire aux rides). Je le sais, je le sais, je le sais. Je ne le comprends peut-être pas tout à fait, certes, je suis probablement dans le déni, mais je le sais pareil. Si t'es pas ma médecin ou mon nutritionniste, fous-moi la paix avec tes articles décrivant une énième étude berlinoise prônant une vie plate sans pizza ni burgers ni gâteau au chocolat si tu ne veux pas un coup de pied dans les chnolles. Point.


La bonne aventure et l'horoscope


L'horoscope ast'heure. Pourquoi c'est dans le journal ce truc bidon ? Qui peut m'expliquer cela de façon cohérente et articulée? Un journal, n'est-ce-pas supposé émaner de crédibilité, sérieusement? Les horoscopes, c'est mystique, ça fait «tante Gertrude», ça sonne comme un truc au delà du réel. Si on a enlevé l'éducation religieuse de l'école publique, pourquoi garde-on les horoscopes dans les quotidiens, câline de bine? C'est un non-sens incommensurable, dénué de toute logique. Les horoscopes sont-il devenus des joyaux de notre histoire culturelle à l'instar du célèbre crucifix de l'assemblée nationale? Avec notre cher ami Internet, c'est pire! On voit des gens publier leur horoscope de façon exponentielle. Quand on me demande mon signe du zodiaque, je le baragouine du bout des lèvres, presque gênée de parler d'astrologie. On dirait que c'est dérangeant par défaut, comme si je me collais une étiquette en plein front, avec la mention ESOTÉRIQUE. S'il vous plait, je n'ai point besoin qu'on tente de me persuader que les planètes sont alignées pour que je fasse une rencontre surprenante aujourd'hui et que mon partenaire idéal est un Taureau. Non merci. Même chose pour les diseurs de bonne aventure. En quoi est-ce si important de connaître mon avenir, si je ne suis de toute façon pas vouée à gagner le gros lot à Lotto Max? Et si un spectre vienne hanter ma chambre pendant mon dodo pour me transmettre un message de l'au-delà, je n'en point souvenir, puisque je dors, justement.

Les langues


Et que dire des exotiques glossaires de mots tout usage servant à prouver que je parle l'international. Si t'es pas un globe-trotter (et même si tu en es un émérite), connaître le mot «salut» dans toutes les langues (hello, hola, hallo, ni hao, yassas, merhaba, shalom, olá, konishiwa, sawadee-Kha, goddag, aloha, ciao, jambo, hej, namaste, yo man) ne vous rend ni plus polyglotte ni plus courtois. Même un guide touristique d'expérience n'a pas besoin d'autant d'érudition dans l'art de la salutation internationale. Oh! Ça peut servir à impressionner, par contre, à montrer qu'on en sait des choses, à en étaler bien épais sur la tartine de monsieur et madame tout le monde. Après tout, nous vivons à une ère où l'épandage de connaissances s'avère hautement valorisé. L'excès rapporte, ça nous sert de faire-valoir, ça nous rend trop cool, on en est congratulé. Je suis tombée (ouille mon genou!) sur un texte qui m'expliquait comment dire (avec l'intonation et tout, là) et comment écrire des mots du quotidien en vingt-cinq langues. J'ai baillé à m'en craquer la mâchoire, j'avoue.


Les palmarès


Je tiens surtout à remercier Internet pour sa diligence, sa préoccupation à vouloir à tout prix me trouver une occupation avec son top des trucs à faire pendant une nuit d'insomnie. C'est super apprécié qu'on me bourre le crâne de plans déments pour survivre à pareille nuit quand le seul plan qui vaille est de trouver le sommeil, justement. Merci de me suggérer de faire le ménage à quatre heure du mat et ainsi réveiller toute la maisonnée quand je passe l'aspirateur. Merci, merci, merci de croire que de préparer des lasagnes, de la salade de chou et un pudding chômeur à minuit est la solution pour que la nuit passe en un éclair, et ce, même si on sait que l'odeur de bouffe va m'ouvrir l'appétit et me hanter, que je finirai probablement par engouffrer mille calories nocturnes inutiles dans mon incapacité à résister, et qu'en pleine crise de culpabilité, j'écoulerai le temps qu'il reste avant le lever du corps à ronger mon frein avec cette réaliste promesse d'indigestion poignant à l'horizon. Quelle considération, Internet! Que de génie!


Je veux conclure en m'excusant. Parce que je suis une blablateuse professionnelle, si vous lisez ceci, c'est que je vous ai insolemment pollué et le mur et les recoins du cerveau avec mes états d'âme à n'en plus finir. J'ai même fait augmenter les gaz à effet de serre. Je vous ai peut-être contaminé comme une odieuse varicelle avec mes mots et vous ne cessez déjà plus de vous gratter au sang. Une chose est certaine, je n'aurai jamais la prétention de vous instruire, de vous éduquer, de vous convertir. Ma pollution, je la tire sur les trottoirs de la toile, dans l'espoir que quelques âmes en peine de lecture y jettent un œil amusé. Et je vous le jure, si vous êtes de ceux qui vibrez pour la monarchie anglaise, si vous êtes un fier Lion ascendant Capricorne avec tous les défauts qui viennent avec, si vous vous goinfrez au quotidien de lasagnes à minuit pour faire passer plus vite vos nuits sans sommeil, si vous raffolez d'apprendre des listes de mots étrangers juste parce que ça pourrait servir dans une de vos futures folles escapades, si ça vous soulage de savoir qu'il ne pleuvra pas dans deux semaines pendant vos seules vacances de l'année, si vous avez découvert que votre vagin est aussi fringuant qu'il y a dix ans grâce à un quiz web, si Albert Einstein est votre intime, sachez que moi, je vous aime quand même, et que vos vidéos de petits chiens acrobates, je les regarde tous assidument.




[1] froid



| par La vie est un piment

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