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Passeport pour la Corée du Nord


«On peut construire une montagne en rassemblant des grains de poussière.» (proverbe coréen)

On entend abondamment parler de la Corée du Nord, bien souvent pour des raisons loufoques, lesquelles sont aussi irréelles que son atypique président. Mais qui connait vraiment cette Corée, son histoire, sa culture et ses gens, outre ce que les medias (qui pour la plupart n'y ont jamais mis les pieds) en racontent? À l'ère de la menace nucléaire nord-coréenne qui surplombe le reste du monde, le régime de Pyongyang nous fait craindre le pire, sans pour autant qu'on ne puisse mesurer le sérieux de son discours. Le mystère plane. Cela dit, contrairement à la croyance populaire comme quoi la contrée est fermée à tous, il est bel et bien possible de visiter ce pays avec un visa de touriste et j'ai invité quelqu'un qui en revient tout juste à nous partager son expérience hors du commun en toute générosité. Régalez-vous, mes chanceux! Vous n'aurez pas cette chance souvent. Je vous laisse donc partir avec elle hors des sentiers battus du royaume ermite.

Prénom: Siobhan 지은

Profession: Enseignante

Ma mise en contexte


J'ai fait une majeure à l’université en langue coréenne, et une autre, en histoire de la politique coréenne. J’ai déjà étudié en Corée du Sud, et j’y suis allée à plusieurs reprises, en plus d’avoir beaucoup d’amis sud-coréens. Cependant, il y a une autre Corée dont je n’avais aucune expérience réelle, celle du Nord. Même si j’ai déjà rencontré quelques nord-coréens, je souhaitais la découvrir de mes propres yeux.

Mon itinéraire


J’ai fait un voyage organisé de sept jours avec un groupe, et ensuite une escapade privée de trois jours avec une guide locale. Bien que j’avais demandé de visiter quelques endroits précis, ces destinations n’étaient pas disponibles. Les touristes sont la plupart du temps amenés aux mêmes endroits avec peu de variantes, et l'éventail de sites que le bureau du tourisme nord-coréen (propriété de l’État) considère comme des attractions est souvent peu intéressant. Pendant mon voyage de groupe, nous avons visité Pyongyang, la zone démilitarisée (DMZ) et le mont Paektu. Dans mon voyage privé, j’ai visité Onchon, Nampo, Donglim et Sinuiju.

Destination facile ou difficile d’accès?


Réservations, visa et accessibilité


Tu ne peux pas visiter la Corée du Nord de façon indépendante. On doit passer par une agence qui prend tout en charge : Le visa, les vols, les billets de train, les hôtels, etc. J’ai passé par l’agence Young Pioneer Tours (YPT) et ça a été plus que facile. Je n’avais jamais fait de voyage organisé mais je dois l’avouer, j’ai apprécié ne pas avoir à faire de la recherche pour les hôtels et la cédule des trains! J'ai réservé mon voyage via le lien suivant: http://www.youngpioneertours.com/ .


Information disponible avant le départ


L'agence m’a procuré l’information préparatoire au voyage et il y avait aussi une rencontre de préparation à Beijing avant le départ. J’ai personnellement fait beaucoup de lecture avant d’y aller. J’ai lu des livres écrits par des déserteurs nord-coréens et des érudits du pays (dont celui de mon ancien professeur) et j’ai suivi les nouvelles en provenance de Corée avec avidité.


La langue


La langue anglaise n’est pas très connue en Corée du Nord, mais les guides de la KITC (une compagnie touristique dirigée par l’État) parlaient un excellent anglais. Je parle moi-même le coréen, ce qui a rendu les choses un peu plus faciles pour moi, parce que quand j’étais dans la portion plus individuelle de mon voyage, mes guides KITC n’avaient pas à perdre de temps à me traduire ce qui se passait, et mes journées se déroulaient donc principalement d'elles-mêmes en coréen. Ça m’a permis d’avoir des interactions plus fluides et les gens étaient excités de me parler dans leur langue maternelle. La plupart des Nord-coréens n’ont pas beaucoup d’opportunités de discuter avec des étrangers, mais comme il n’y avait pas de barrière de la langue avec moi, j’ai été capable de parler à beaucoup plus de gens.


Degré de confort


Les hôtels étaient acceptables et pas inconfortables, même si généralement vieillots et certainement peu attirants pour l'œil. Les routes étaient par contre horribles et ce qui aurait dû prendre une courte période de temps prenait souvent des heures à parcourir. J’ai eu de l’électricité tout au long de mon séjour. Il est intéressant de noter que la Corée du Nord dépend beaucoup de l’énergie solaire (tous les lampadaires sont solaires). À quelques endroits, l’eau chaude était limitée à certaines heures de la journée.

Les moments marquants de mon voyage


Endroits favoris


Le mont Paektu, sans aucun doute. C’était absolument superbe et y aller a été un des moments marquants de ma vie. Paektu est sacré dans l’histoire coréenne, et ce, pour les deux Corées, et je suis tellement contente d’avoir eu l’opportunité de visiter ce site. J’ai aussi aimé visiter le musée de la broderie et la galerie d’art de Pyongyang.

mont Paektu, lieu sacré.

Moments favoris


Faire de la marche en montagne avec ma guide KITC à Donglim. Elle était très divertissante, nous sommes rapidement devenues amies et nous avons pu discuter plus librement. Je l’ai beaucoup questionnée sur la vie en Corée et sur les choses que je n’aurais pas été confortable de demander à mes guides à Pyongyang.


Moments amusants


La panoplie de mots ridicules que j’ai appris! Quand on me montrait un endroit, j’étais habituellement accompagnée par quelqu’un y travaillant. Par exemple, quand je visitais une galerie d’art, j’étais guidée par une dame qui me décrivait les toiles. Si je n’avais pas parlé le coréen, un guide du KITC aurait traduit pour moi. Comme mes guides n’avaient pas à traduire, j’ai écouté les explication en coréen et de temps à autres, je demandais une traduction quand je ne comprenais pas quelque chose. Comme le personnel était capable de parler plus librement sans la traduction, il a BEAUCOUP parlé. J’ai donc appris le langage des arts de l’encre, de l’élevage animalier, de la fabrication de textile, de la culture des fèves de soya, etc. Un lexique que je n’avais jamais appris ni à l’université ni à Séoul.

Petite échoppe en pleine campagne

La chose positive inoubliable à propos de ce voyage


L'immense gentillesse des Coréens. J’ai pris le train de Pyongyang à Donglim par moi-même. Je quittais à dix heures du matin et devais rester dans le train environ quatre heures. C’était vers la fin de mon voyage et je commençais à être un peu fatiguée de la sempiternelle nourriture nord-coréenne et ses repas gargantuesques trois fois par jour. J’ai juste pris une pomme et un café dans le train. Les autres passagers me demandaient pourquoi je ne déjeunais pas et je leur répondais que je n’avais pas faim. Puis, le conducteur du train est venu et m’a aussi demandé pourquoi je ne mangeais pas. Il était préoccupé. Quand je suis arrivée à Donglim, il a pris ma guide KITC à part pour lui chuchoter quelque chose. Elle m’a dit plus tard qu’il lui avait demandé de s’assurer que je mange quelque chose car j’avais sauté le lunch. Ce genre de choses arrivait presque à tous les jours. Les gens étaient très gentils et bienveillants.

Ce que j'ai trouvé plus difficile là-bas


Quelque chose qui m’a choqué


Les questions et les affirmations des nord-coréens à propos de la Corée du Sud m’ont surprise. Quelquefois, j'osais espérer qu’ils ne croyaient pas vraiment ce qu’ils disaient. Étaient-ils réellement si ignorants de la vie au-delà de la frontière? Ou étaient-ils de ces rares individus qui ne regardaient pas les drames sud-coréens en secret à la télé? Par exemple, je mentionnais toujours le nom de l’université coréenne où j’avais étudié aux gens avec qui je discutais, car Pyongyang a une faculté de langues étrangères similaire. On me questionnait inévitablement sur les coûts du cours, et quand je leur disais que j’avais eu une bourse, ils se demandaient comment la Corée du Sud pouvait avoir les moyens de donner des bourses à des étrangers. Aussi, je n’ai pas aimé visiter une école maternelle et un centre d’activités parascolaires. Aux deux endroits, j’avais l’impression que les enfants performaient pour les visiteurs. Cette forme d’exploitation m’a rendue très inconfortable.

Ma pensée sur les différences entre ce qui est véhiculé dans les medias et ce qui se passe pour vrai là-bas


Est-ce vrai que tout est organisé pour montrer aux touristes la Corée qu’ils veulent promouvoir, en cachant la réalité ?


Les choses sont en effet organisées pour montrer la Corée qu’ils veulent promouvoir. Mes sentiments sont partagés à ce sujet. Je pense que si tu participais à un voyage en Australie, ce serait assez similaire. On t’amènerait aux plus beaux endroits les mieux organisés, et non dans des lieux plus sinistres truffés d’itinérants ou d’immeubles décrépis. Que ce soit la vraie Corée ou pas… J’y suis allée dix jours et j’ai visité plusieurs villes et villages. Il est impensable qu'ils puissent tout cacher de leur réalité. De plus, comme je comprends le coréen, ça me permettait d’avoir plus facilement la puce à l’oreille lorsque le réel n’était pas ce qu’il paraissait. Lors de ma visite à une ferme en coopérative, le fermier me mentionnait combien tout était fantastique et qu’ils avaient des réserves illimitées de méthane et d’électricité. Ensuite, il a suggéré qu’on arrête à la garderie de la coop et à notre arrivée, le directeur de la crèche, sans savoir que je pouvais comprendre sa langue, le remercia d’avoir mis l’électricité aujourd’hui. Pris sur le fait!

Pyongyangais quittant après un spectacle de l'Orchestre symphonique, à Victoria Day

La Corée telle que présentée dans les medias pose un véritable problème pour moi. Le gouvernement nord-coréen contrôle une bonne partie de l’information qui sort du pays, la rendant souvent exagérée ou absurde. Les médias étrangers aimant le contenu déjanté, les grands titres sensationnalistes mettant l’accent sur les États-Unis devenant une «mer de feu» ont la cote. Le pays est souvent dépeint négativement et parfois, les histoires publiées sont purement et simplement fausses, mais comme ça correspond parfaitement à notre vision limitée de cette nation, plusieurs ne les questionnent même pas. Comme partout ailleurs, la Corée du Nord n’est pas un système fixe. Les choses changent rapidement et plusieurs medias occidentaux ont donc une idée désuète du pays. Si on ne regarde que le stéréotype de la Corée du Nord, ce n’est pas nécessairement la vraie Corée. La véritable Corée du Nord constitue l’ensemble des vingt-cinq millions d’habitants y vivant et qui ne reconnaîtraient probablement pas les versions imaginées à propos de leur pays par l’Occident.


Est-ce vrai qu’on peut vérifier nos photos et vidéos à tout moment ?


On peut dire cela. Les douaniers ont le droit de vérifier tes effets personnels à l’arrivée et au départ. Les miens n’ont pas du tout été vérifiés, cela étant dit.

Que dirais-je aux gens qui pensent que je suis folle, que j'ai pris un risque, que je vis dangereusement, parce que j'ai choisi cette destination?


Pffft. Je sais que le tourisme en Corée du Nord est un enjeu qui divise l’opinion publique. Soit on le supporte, soit on pense que ceux comme moi sommes fous braques. J’ai lu plusieurs avertissements et suivi la situation de près. J’étais bien au fait des risques, et du non-respect des droits humains souvent soulevés en lien avec le pays. Mais comme je l’ai mentionné auparavant, la Corée du Nord a toujours représenté plus que tout cela pour moi et signifie maintenant encore bien plus. C’est une question bien personnelle, en fait. Il y a des gens réels qui y vivent, des gens qui m’intéressent. Je suis pour un engagement envers la Corée du Nord et je crois que même à un niveau superficiel, l’interaction avec ce pays et le reste du monde pourrait bénéficier à tous.

Les photos utilisées pour cet article, gracieusement fournies par Siobhan, sont sa propriété. Toute reproduction sans son consentement n'est pas permis.



| par La vie est un piment

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