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Bon pour pitou, bon pour minou

«Ne confondez pas égalité et uniformité.» (Swami Prajnanpad)


Ça brasse dans la cabane ce temps-ci. Comme une laveuse à linge qui «spinne» et qui fait des mailles dans nos chandails de laine déjà hideux à crever. On s'empêtre, on s'embourbe, on se met un pied dans la bouche à l'occasion quand on clame trop haut et trop fort sa position controversée en oubliant que son voisin ne pense pas à droite, ne vote pas indigo, n'aime pas trop la religion sauf à Noël en chantant Jingle Bell, ou déteste le film Mamma Mia! (non, ça ne se peut pas, bon!). Inconsciemment, nous sommes des drama queens (même si chez certains, c’est complètement assumé!). Ceci étant dit, quand on prend du recul pour analyser un brin ce que notre oreille bien tendue attrape comme bribes au quotidien, on en vient à l'évidence que ce qui est bon pour pitou n'est pas toujours bon pour minou. Au nom de la liberté d'expression (qui a le dos large comme un estuaire), on dit souvent n'importe quoi, même l'inacceptable. D'ailleurs, certains prêcheurs ont une fâcheuse tendance à oublier d'appliquer leurs propres doctrines à eux-mêmes. Parfois, ça fait rager en «tabarbip»! Il y aura toujours un manipulateur né qui saura trouver le moyen de passer en tête des listes d'attente pour un soin à l'hôpital, ou qui prendra tout le crédit pour un travail d'équipe derrière les portes closes des grands bureaux d'entreprises. Oui, disons-le en chœur: TABARBIP.


Déjà, il faut distinguer l’égalité en bonne et due forme de cette peste d’uniformité. Larousse va nous éclairer, c'est sa job, lui qui sait tout ou presque. Il se plait en fait à nous dire de l'uniformité qu'elle est le «caractère de ce qui est semblable dans toutes ses parties [1]». La clé de la définition, c'est «dans toutes ses parties», qui met l’accent sur cette idée de conformisme s’y rattachant. C’est un peu le concept de la recette que l’on suit à la virgule près, sans en déroger d’une seule lettre, et de la douzaine de cupcakes au chocolat identiques qui en découle. L'uniformité, c'est tout le monde pareil, embourbé dans un même moule étroit comme un skinny jeans (attention au camel toe, mesdames), c'est tout l’univers qui porte du small, qui bouffe des Corn Flakes au p’tit déj et qui cale une bière blonde qui goûte l’eau en regardant les Canadiens perdre éternellement. Quand j'entends uniformité, je pense à deux choses qui me déplaisent: Les maudits uniformes scolaires insipides qui catapultent tous les étudiants dans un même panier comme des œufs frais et cette diabolique épreuve uniforme de français qu'on doit tous réussir au péril de sa vie pour obtenir son diplôme d'études collégiales et aspirer à une carrière.


Quant à l'égalité, ce n'est pas ça du tout. Larousse la définit plutôt comme étant la «qualité de ce qui est égal [2]», comme une équivalence. C'est le mot magique à retenir. Ce qui est équivalent n'est pas toujours identique ou uniforme. En cuisine, je peux substituer la crème sûre par du yogourt grec dans un met que je prépare, sans enlever en onctuosité au mélange. Les deux aliments ont une douce acidité et poussent vers un résultat final équivalent, sans pour autant que les deux ingrédients ne soient uniformes. Capisci? Donc, en sachant la cruciale différence entre les deux termes, on peut aisément comprendre que l’égalité doit primer sur l’uniformité, en matière d’êtres humains, du moins. Après tout, nous ne sommes pas sur une chaîne de montage à la Ford, le clonage n'est pas encore légal et la diversité est une richesse qui fait avancer notre société à la vitesse grand V.

Hell no, je ne suis par une simple portière de char avec un numéro de série de tatoué sur une fesse pour me différencier de la précédente. Et mon cerveau n'a pas besoin qu'on lui souffle quoi penser au dictaphone. Il en est capable tout seul comme un grand. Il a juste besoin d'être alimenté par de vrais faits clairs comme de l'eau de roche, et non pas par la panacée de faits alternatifs dont on nous bombarde à tous les jours. Et contrairement à ce que tu peux bien penser, il n'y a pas que le Donald qui se sert de faits bidons pour en arriver à ses fins. Le Métroscope [3] a publié une liste de sites web opérés par de fervents «bulshitteurs» professionnels qui t'utilisent pour partager les ignominies. Je ne savais même pas que ce titre existait, mais il faut croire que c'est un emploi prisé tellement ils pullulent dans toutes les sphères de la société et dans toutes les cultures. Je me demande quel cours on doit prendre à l'université pour devenir «bulshitteur», en fait. Menteries 101? Histoire de la malhonnêteté chronique? Non-éthique avancée? Une chose est sure: Les auteurs de ces sites ne suivent pas leurs propres conseils, à moins qu'ils aient perdu les pédales. Les sites en question crachent sans rougir des faussetés à la tonne sur nos fils de réseaux sociaux. Ce n'est pas chic, quand on y regarde de plus près, mais plusieurs d'entre nous sommes attirés par la connerie comme un aimant. On oublie qu'on a une responsabilité collective lorsqu'on partage des faussetés sur Internet. Il ne faut jamais prendre pour acquis qu'un auteur d'article veut ton bien. Je ne t'apprends rien, je présume. Surtout en matière de la culture «des autres».


Avoue que ça fait notre affaire de faire passer sur le dos de l'histoire et de la confiture culturelle notre droit de célébrer les particules qui nous plaisent de notre religion au vu et au su de tous, quand on demande pourtant aux gens d'autres affiliations religieuses de vivre ça chez eux en famille et de nous foutre la paix avec ça. Car oui, on est sélectif en titi. C'est presque convainquant quand on clame que Noël est une fête commerciale qui a perdu sa connotation religieuse, ou qu'un crucifix bien en vue sur le mur d'une institution souligne l'histoire de notre peuple. On oublie vite que c'est ce même argument que les suprématistes blancs utilisent pour justifier la conservation des statues à l'effigie de célèbres personnages esclavagistes. «C'est notre culture, notre histoire!», qu'on nous dit. So what?


La culture, c'est un paramètre à géométrie variable, les amis. Et trop souvent, elle s'apparente à un saut en bungee: On plonge comme des damnés, l'élastique s'étire au maximum, on se fait presque pipi dessus pendant cette vertigineuse chute vers l'inconnu... et tout à coup, on remonte, on redescend, on remonte, et ainsi de suite, jusqu'à retrouver les confortables sensations du plancher des vaches qui meuglent, un terrain connu qui nous apaise et nous rassasie. L'évolution culturelle est souvent freinée par nos repères tous conforts. On a envie d'évoluer, de plonger dans la mer bleue comme un fou de Bassan et de faire avancer les choses, mais la société et ses mécanismes nous aspirent vers notre point de départ et freine notre évolution. Certaines serpents populistes crachant leur venin à répétition dans les médias torpillent carrément nos aspirations, ralliant les troupes autour d'un point qu'on a tous en commun un jour ou l'autre: La trouille du changement.


On voit beaucoup de bras de fer un peu partout dans le monde entre ceux qui prônent une saine intégration des immigrants et ceux qui prônent leur assimilation (rien que cela!). On veut le beurre et l'argent du beurre! Bien que toutes sortes d'individus plus ou moins malintentionnés tentent de nous convaincre que le mot «islamophobie» n'a pas raison d'exister, du moins pas «chez nous», ou que se marier à l'église ou faire baptiser son kid même si on ne croit que dalle en Dieu, sauf celui appelé Wall Street, c'est un détail, ça pue parfois l'ignorance à plein nez dans certaines conversations et ça crie au loup. Il arrive que ce soit si absurde que je me pince pour m'assurer que je ne suis pas tout bonnement en train de cauchemarder. J'ai déjà surpris deux personnes ne travaillant évidemment pas (ok, les préjugés, je sais, ne me ramène pas à l'ordre) en train de ridiculiser une femme basanée qui torchait à la sueur de son front les tables et les plateaux d'une aire de restauration rapide. N'est-ce pas ironique de penser qu'une immigrante occupe une place qu'une panoplie de «de souches» a préalablement refusée, et qu'elle se fasse par la suite traiter de voleuse de job par ce même consortium avachi à ruminer en plein après-midi dans une halte-bouffe? Tu sais quoi? Si un job est assez bon pour un «importé», comme tu te plais à le dire avec ta face nauséeuse, elle devrait l'être tout aussi bien pour toi qui te laisse vivre par la société, chose. Si c'est bon pour «wouf», c'est bon pour «miaou».


Ça me fait donc un peu rigoler de voir une panoplie d'individus monter sur leurs grands chevaux quand ils blablatent de «ces autres», de «ces gens-là», en clamant «qu'ils doivent agir comme nous»... comme si manger du pâté chinois extra ketchup, jurer fidélité à la Sainte-Flanelle, ne pas se marier ou le faire juste pour le party, jurer comme un charretier, faire des voyages «dans le Sud» en hiver et y boire des tas de margaritas, chanter des chansons de Paul Piché, des Colocs et de Charlebois étaient les seules normes... Bien que tout cela soit hyper cool, dans le code civil et pénal, ce n'est écrit à nulle part que l'on doit porter des bermudas et des chemises hawaïennes l'été, ou que l'on n'a pas le loisir d'aimer le cricket, la lutte sénégalaise, le sitar, la glace au mastic ou les tacos al pastor.


Oui, il y a des accommodements bien déraisonnables, c'est une consensus. Oui, on doit s'assurer que tout le monde puisse vivre dans une société fonctionnelle, juste et respectueuse de la loi. Mais hé les potes, les droits, c'est pour tout le monde, ce n'est pas à sens unique et personne n'a besoin d'adopter les us d'ici pour pouvoir les revendiquer. Ça fait fi de la culture, des habitudes, et ça tranche une part bien égale pour tous. Si t'as le droit de montrer ton J-string en dentelle qui sort de tes jeans une taille trop petits, t'as aussi le droit de mettre un foulard sur tes cheveux, et ce, peu importe la connotation qu'on prête à ces deux morceaux de linge controversés. Si t'as le droit de clamer à qui mieux-mieux que tu es athée ou que tu crois «en l'être humain» (la belle affaire), tu as tout autant le droit de clamer à l'univers en entier que tu es bouddhiste ou juif, ou que tu vénères le Grand Schtroumpf (la-la-la-Schtroumpf-la-la...), docteur Spoc, la poupée Chucky ou Zlatan Ibrahimovic. C'est comme ça. Si c'est bon pour Snoopy, c'est bon pour Gros Minet.


On a souvent tendance à exiger de la société qu'elle agisse comme un charmant petit clone de la personne parfaite que nous sommes. Mais tout comme je ne me considère point identique à mes voisins, ils n'ont pas non-plus l'ambition de me ressembler. Pourquoi par exemple voudrais-je être ovo-lacto-végétarienne? J'aime ça, moi, les œufs bénédictines, saperlipopette. Pourquoi me ferais-je C-H-I-E-R à ingérer du seitan avec sa drôle de texture désagréable en bouche? Oh! C'est pas parce que tu es végétalien que tu pètes la santé (un sac de chips, c'est vegan après tout). Pourquoi voudrais-je porter la même maudite mini-jupe à froufrous que la Juliette des ressources humaines et ainsi exhiber mes cuisses un peu trop pleines de poutine qui frottent quand je marche? Non mais, ça ne va pas la tête? Et pourquoi voudrais-tu passer la journée dans mes talons hauts de quatre pouces et aggraver big time tes fasciites plantaires, en plus de te donner une démarche de jument? ¿Por qué, Dios mío?


C'est l'excitante nature de l'être humain que de suivre les inclinaisons de son cœur. Déjà, on utilise bien trop souvent le conditionnel pour exprimer ses intentions. Sommes-nous si accros aux «si»? (Si, si, hochement de tête). Est-ce la nouvelle came à la mode du jour? Le «si» te protège, il te donne de la marge de manœuvre, il étire le temps et exprime de l'improbabilité. En ce sens, on en développe une dépendance sournoise. C'est une drogue des temps modernes qui nous empêche de nous assumer pleinement. Tu veux qu'un politicien soit direct, qu'un patron soit clair, qu'une petite amie soit honnête? Commence par lâcher la drogue des «si» qui hypothèque ta crédibilité. Tu ne peux pas demander à quelqu'un de patauger dans le présent quand tu vis dans un futur flou. N'exige pas de Rantanplan ce que tu ne peux pas toi-même offrir, gros Garfield paresseux.


Tu sais, il faut prendre ça plus relaxe, laisser tout doucement le soleil pénétrer ton cœur fermé à la réalité des autres et chanter tel un illustre soprano en frappant des mains: «Let the sunshine, let the sunshine in, the sunshine in! [4]». Peut-être s'ouvrira-t-il comme une huître pour exhiber sa perle intérieure, qui sait? S'il y a une chose que j'ai apprise avec le temps, c'est qu'il faut traiter l'autre de la façon dont on souhaite soi-même être traité et ce, sans exception. Oh! Je ne suis pas toujours capable d'appliquer moi-même ma doctrine et il m'arrive donc d'échapper quelques flatulences d'irrespect, mais du moins, j'essais fort de m'y plier. Ce qui est bon pour moi l'est pour autrui.


Gandhi a dit un jour que «les vérités différentes en apparence sont comme d'innombrables feuilles qui paraissent différentes et qui sont sur le même arbre.». Il n'existe pas qu'une seule façon valable de mener sa vie en maître, et ces multitudes de manières d'exister au quotidien nous enrichissent, qu'on le veuille ou non. Nous sommes tous des feuilles accrochées à une branche du même arbre. Parfois le vent souffle fort et nous fait frétiller, mais il ne faut pas se laisser berner par la haine existante qui nous entoure, même lors des pires tempêtes. Les droits que l'ont a ont été si chèrement gagnés et cette société qui a été façonnée parfois avec patience, parfois avec empressement sont de si gratifiantes réussites qu'il serait triste de commencer à en restreindre les termes à une poignée d'élus à «l'accent d'icitte» au nom de la peur de l'autre, de la peur d'être assimilé, d'être ensablé. Pour une réelle inclusion, il faut avant tout vouloir de l'autre pour les bonnes raisons. Amen.





[1] Définition d'uniformité au larousse.fr


[2] Définition d'égalité au larousse.fr



[4] Aquarius/Let the Sunshine, medley de deux chansons écrites en 1967 pour la comédie musicales Hair.



| par La vie est un piment

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