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Le monde, mon terrain de jeux


«Il y en a qui ont le cœur si vaste qu'ils sont toujours en voyage.» (Jacques Brel)


La Terre est plus grande qu'elle n'en laisse croire et son aura solennel nous enveloppe comme un duvet de caneton. Même si on a tendance à radoter en vrais perroquets que le monde est minuscule comme si c'était une vérité universelle incontestable, un ami me disait dernièrement qu'il trouvait au contraire le monde d'une immensité fabuleuse, mais rempli de coïncidences inexplicables qui en constituent toute sa beauté ou son drame. J'aime cette idée de croire aux multiples hasards de la vie, car plusieurs en sont de bienheureux et ce hasard faisant justement bien les choses, il arrive que l'on puisse s'y fier un tout petit peu (souvent plus qu'à certains êtres humains, malheureusement!). Comme le monde est rempli d'opportunités inopinées qui surgissent tel un ours sur un pot de miel, pourquoi ne pas y croquer à belles dents et s'amuser un brin à mieux faire sa connaissance? Il y en a pour tous les goûts et toutes les aspirations en ce bas-monde, et peu importe ta personnalité, ce grand terrain de jeux qu'est notre petite planète bleue a certainement quelques sensations à t'offrir, qu'elles soient fortes ou doucereuses. J'ai envie de te planter quelques idées dans le ciboulot avec l'aide de Mère Nature, pour qu'elles finissent peut-être par prendre tout bonnement racines et porter leurs fruits juteux jusqu'à tes jambes remplies de fourmis.


Que tu sois jet-setteur professionnel, flâneur du dimanche, backpacker grano ou bohémien déjanté, que tu te définisses comme un athlète en herbe (ou fumeur d'herbe), sportif de salon (ou «wannabe coach»), loup solitaire ou célibataire endurci en mal d'amour d'une nuit, il n'y a pas de limites aux aventures que tu pourrais vivre si tu t'en donnais la peine et les moyens. Dis-moi qui tu es et je te dirai où aller passer tes prochaines vacances ou le long week-end qui vient. Ok... T'es pas obligé de m'obéir au doigt et à l'œil, là. Tu peux faire à ta tête et rester bien pénard le cul profondément enfoncé sur ton divan. D'ailleurs, certains divans ont une belle grosse paire de fesses d'imprimée dans les coussins fleuris tellement on s'y laisse choir souvent! Si tu possèdes un divan déformé par les longues heures égrenées devant le téléviseur, lève-toi et marche! (citation empruntée à Jésus, je précise. Je n'aimerais pas qu'il me poursuive tout bonnement pour non-respect de ses droits divins ou pour déformation «prophéternelle»).


Il y a tant à voir, tant de clés à notre disposition et tant de portes qu'elles peuvent ouvrir... ou verrouiller à jamais une fois fermées dans un fracas retentissant. Si tu as envie de liberté, passe de l'autre côté de l'entrebâillure et galope dans les prés sur le dos d'une belle pouliche, crinière au vent, dans les steppes mongoles, tiens. Oui, j'avoue, je commence fort avec mon analogie, mais n'est-ce pas le rêve de liberté le plus absolu qui soit? Tu n'as même pas besoin d'être un aventurier aguerri et de devoir défricher des chemins hasardeux pour t'y rendre: Des agences de voyage t'y mènent dans le luxe ou la simplicité, selon ton style! Tu n'as qu'à googler «Mongolie à cheval» et tes possibilités se pointeront le bout du nez, si c'est pas beau la vie! Pourquoi commencer comme tout le monde par un voyage dans le Sud et y aller étape par étape? Vas-y all in et réalise ton rêve d'émancipation en toute désinvolture! Chevauche en nomade ces plaines verdoyantes perçant l'horizon avec une monture habituée à ces contrées et crie un «hiiii-haaaaa» bien senti! Sois libre! Et offre-toi le bout du monde en prime! Tu ne mérites pas moins. Le bout du monde, il faut juste s'y mettre pour qu'il se concrétise. Ce programme m'enchante.


Es-tu plutôt du genre à dévorer tes émotions à chaque saute d'humeur de ton patron? Te gâches-tu l'estomac à ingérer de la bouffe trop épicée? Es-tu le plus fin des gourmets et tu cuisines pour te défouler après une journée moche? Regardes-tu Masterchef Australie, Hell's Kitchen et Les Chefs sans manquer un seul épisode avec l'envie incontrôlable de «frencher» la tarte déconstruite qui flirte avec votre écran et, pourquoi pas, Gordon Ramsay au passage? Tant qu'à mettre sa langue à quelque part... Et si tu es habitué à investir ta paie en truffes, en fromages bleus et en bons vinos alsaciens, pourquoi ne pas sauter pieds joints dans un avion pour aller faire une escapade gourmande à Paris, à Bangkok ou à New Delhi? Le monde est une incommensurable chaîne de saveurs qui peuvent tour à tour faire un striptease sexy à mort à tes papilles en effervescence, un délice quotidien malgré la grisaille qui parfois nous assaille. Le monde, ça se mange, littéralement. Ça se croque.


J'associe immanquablement chaque lieu à un met ou un aliment: Les dogos de la Nainari à Ciudad Obregón, le cari aux noix de cajou de la femme de Kale Bai à Chanderi, le künefe stambouliote avec son fromage coulant, son sirop, sa touche de crème fraîche et ses pistaches, ou ceux au Nutella de La Poire, au Caire, la tarte à la lime fraîche de La Casa de Mamá Yacchi à Coporaque, les pommes de terre à l'ail d'Islandic Fish and Chips de Reykjavik, les beignets à la confiture d'abricot du souk de Casablanca ou les gelati à la cerise de Prague, à consommer avec un bonne Gambrinus (je sais, c'est weird). Si on doit manger pour vivre, on peut aussi voyager pour manger, ce qui ne t'assure pas une longue vie, certes, mais au moins quelques orgasmes buccaux (avale ta salive, là! Et essuie ce filet de bave. Yark.). Faire le tour du monde en quatre-vingt saveurs, c'est excitant! Et on peut de plus en plus faire ce type de voyage à même sa propre cuisine, tellement les ingrédients de partout sont maintenant accessibles! On peut manger le monde chez soi, sans prendre d'avion, sans se faire des ampoules avec nos nouvelles chaussures à chercher une gargote sans adresse. On peut simplement sortir au supermarché et revenir avec du curcuma frais, du sambal olek, des figues séchées et du thon albacore, et hop!, on voyage par la bouche!


Pas besoin d'aller loin pour voyager, d'ailleurs. Si le bout du monde ne te tente pas plus qu'il n'en faut, une simple balade automnale entre les feuillus qui se barbouillent d'une palette de teintes romantiques à souhait te permet de «flyer drette» dans les confins de tes pensées les plus intimes. La bouffée d'air frais qu'on accueille en plein visage est le meilleur moyen de transport vers les méandres de tes émotions. C'est de la thérapie gratos, ça, mon chum. En soi, c'est tout un voyage! En automne, ça sent la citrouille épicée dans les cafés, les muffins goûtent la pomme et la canneberge et on troque les cappuccinos glacés pour le chocolat fumant avec de la guimauve qui flotte sur le liquide bouillant. On cueille le raisin tardif pour faire du cidre de glace, et on sort nos tuques à pompons et nos caches-oreilles bariolés pour avoir l'air cool ou vintage, c'est selon. On est bien dehors, la brise du nord nous garde jeune (on le sait que le froid, ça conserve le body, ça garde les pectoraux durs comme de la roche et ça ralentit la formation des pattes d'oie...).


Notre belle province est remplie de trésors qui ne sont même pas cachés. Nous y avons tous pleinement accès, peu importe la saison. J'adore moi-même aller observer le Rocher Percé bordé par cette douce couverture de neige de janvier. Le village est vide de tous ses touristes bruyants et belliqueux habituels et une aura unique à la saison morte lui redonne une splendeur toute revigorée. On a beau dire qu'il ne s'agit que d'un foutu rocher avec un trou, il n'en demeure pas moins qu'en hiver, il devient un abri à fées. Du moins à mes yeux. Ça m'amuse d'y croire et j'aime les fées. Elles sont plus sympas que les clowns. D'ailleurs, n'y a-t-il rien de plus réjouissant qu'une longue balade au bout de nos capacités avec comme seul compagnon notre toutou qui adore ce genre de journées et une ribambelles de fées parsemant nos yeux de poussières d'étoiles à chaque fois qu'on se décourage du vent, des douleurs aux cuisses et de notre envie de pipi inassouvissable? Se pousser au maximum de ses limites physiques sur une pente abrupte à faire des enjambées monstrueuses, casser la croûte sur une banquette en écoutant les grenouilles coasser dans la petite mare cachée sous les pins, cueillir des noisettes sans gants (on a le goût du risque, quand-même!)... La nature est cette maman qui nous embrasse et nous enveloppe de ses immenses bras dont le gras pendouille et de qui on ne peut résister même si on a parfois une envie folle de la fuir à l'instar des Snowbirds se sauvant des premières rafales hivernales. La nature est d'un ravissement pour l'œil impossible à égaler, elle est ta meilleure enseignante, la femme de tes rêves, le caramel salé caché au fond d'une poche qu'on croyait vide.


Je te le jure, s'il n'en tenait qu'à moi, au lieu de m'enliser dans des tribulations à n'en plus finir avec le quotidien morose, je ferais aller la magie d'une mappemonde pour m'amener ailleurs à temps plein, à Ushuaia, à Chefchaouen, à Yangoon, à Dublin. Je deviendrais testeuse. Testeuse de pâtisseries locales, tiens. Je me gaverais de loukoums, d'éclairs au chocolat et de strudels aux pommes. C'est le travail idéal, avoue! Il ne me reste qu'à me trouver un employeur intéressé à mes talents de goûteuse. J'ai beaucoup plus de talent que celui de la Cléopâtre de Groscinny, j'en suis certaine. Et si je mens impunément, qu'on m'envoie aux crocodiles, c'est aussi simple que ça! Il me semble que j'ai une tête de testeuse, de toute façon. Je suis capable de mimiques de dédain dignes des plus expérimentés dédaigneux au pays (come on, c'est juste un air, c'est pas nécessairement la chanson!) et j'ai les ridules de front qui viennent avec pour faire crédible. Si tu me paies pour parcourir le monde à bouffer du sucre, je ne te décevrai pas. Je boirai des tonnes de verres de masala chai à ta demande, et je mangerai des baklavas jusqu'à avoir l'air en cloque pour prouver que je fais bien mon travail. J'essaierai toutes les terrasses, une après l'autre, tant qu'à être là. Et les restos aussi. Et pourquoi pas les boîtes de nuit. J'ai pas une collection de talons hauts pour rien... Tsé. Tu m'embauches, dis?


C'est si amusant de poursuivre un chemin qu'on connaît peu, découvrir un micro bout de paradis oublié et de s'y laisser choir comme une vache dans le pré. Et de ruminer un baba au rhum bien imbibé ou un gargantuesque bol de riz au lait recouvert de cannelle et de raisins de Corinthe. Et de retourner commander des crêpes au sucre. Et s'asseoir sur ce banc en plein cœur de Montmartre pour regarder les gens passer en mâchant allégrement, tout en essayant de deviner les balivernes qu'ils peuvent bien se raconter à la journée longue. Observer les gens, imiter leurs moues boudeuses ou rieuses, envier leur sens du swag, c'est aussi ça embrasser le monde. Aimer profondément le genre humain, peu importe ses frasques, ses états d'âme et son entêtement, ça fait partie de ce qu'est le grand plaisir de vivre, et cette pluralité de cultures qui passe sous mon nez est une richesse inouïe de ce monde dans lequel je me plais à jouer.


Oui, la planète est un terrain de jeu. Vaste. Surprenant. Enivrant. Je m'y sens dans mon élément, comme un dauphin dans la mer qui clapote dans les vagues chaudes du Pacifique. L'animal n'a peur de rien, pas même des requins, il fait l'amour pour le plaisir et aime s'amuser comme un gamin. Je suis définitivement un dauphin. Et le monde est mon océan sans fond. Il est rempli d'étoiles de mer et de coquillages, de vie animale et végétale, d'agates et d'améthystes, de pétroglyphes et d'inukshuks, il sent les frites fraîches et les marguerites sauvages, et goûte les framboises et la pastèque. Ses sentiers me mènent sur une piste du Nevada ou tout droit à Machu Pichu, ou encore vers le désert de Sonora à l'ombre d'un sahuaro. Il m'a poussé vers les plus belles rencontres, m'ouvrant les yeux sur ce petit bout de femme tout de rose voilée qui me servait de guide dans un Caire congestionné et qui était vouée à devenir une amie fantastique avec qui j'allais faire la pluie et le beau temps au Moyen-Orient. Ou encore vers la belle frisée de Sakarya, qui allait tout me montrer de sa culture, jusqu'à devenir une sœur à jamais. Ce monde donne de la joie à mes chien, a été le témoin privilégié des premiers pas de ma cadette dans l'univers du voyage, et m'a vu devenir une petit bout de femme diablement motivé à force d'y avancer tête première sans hésitation. Tu dis que j'ai des couilles? Non, je suis amoureuse, voilà tout. Amoureuse de ce qui se déploie sous mes pieds au quotidien.


Nicolas Hulot a déjà déclaré que «la nature dit toujours quelque chose». Elle me chuchote effectivement des secrets à tous les jours, des bijoux de secrets. Des secrets qui me chatouillent le tympan comme une douce brise de suroit. Qui veut les connaître n'a qu'à sortir de chez lui et ouvrir les paupières.


| par La vie est un piment

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