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Keep calm et vive la coriandre!


«La chance est un hasard. Le bonheur est une vocation.» (Alexandru Vlahuta)

Le bonheur, c'est comme la coriandre. Ok. Je m'explique avant que tu ne me dises impérativement un gros «nenon» bien senti (probablement parce que la coriandre, ça te donne envie de dégobiller ton petit déjeuner, avoue). La coriandre, c'est cette herbe polyvalente que l'on croit si exotique, mais qui s'avère pourtant dispo dans tous les supermarchés dignes de ce nom. On essaie tous de l'apprécier, il va sans dire (certains avec plus ou moins de succès), car on est conscient qu'on en retrouve dans une multitude de mets dès qu'on voyage un tantinet et qu'un jour où l'autre, on devra s'en mettre plein la gueule au risque d'avoir la nausée si on ne dompte pas la bête right now.


Je raffole de la coriandre. J'en bave juste à y penser, je te le jure sur la tête de Dieu le Père tout puissant, même si je sais que c'est pas bien (de jurer, pas la coriandre!). L'herbe parfumée éveille en moi mes plus beaux souvenirs de jeune femme en fleur au cœur de ce Mexique des années quatre-vingt-dix en pleine éclosion, que j'ai connu et tant aimé. Elle me rappelle aussi mon plus grand choc culturel, dans les confins des petits villages du Madya Pradesh indien, la beauté inégalable de la verdoyante Bali ou toutes les échoppes de bouffe odorantes d'Ayutthaya. Je sais que plusieurs sont jaloux à crever des beaux tableaux de mon passé qu'évoque en moi la coriandre. Ils adoreraient ça pouvoir dire que la maudite coriandre, c'est délicieux, et s'en régaler comme je le fais, mais ils n'y arrivent que dalle et en mâchouillent par entêtement un brin de temps à autre, les yeux pleins d'eau, soudainement catapultés dans un enfer buccal avec l'espoir de finir par s'y faire et ainsi pouvoir parcourir le monde sans crainte de mettre la dent sur une feuille par inadvertance.


La quête vers le bonheur, c'est un peu le même combat. Ce foutu bonheur, on le dégote facilement et il est abordable. On nous le présente de mille et une manières, enveloppé dans du papier de fantaisie, saupoudré de sucre, cru, brut comme du champagne ou travaillé à la main. Parfois, il peut être doucereux comme de la tire d'érable ou épicé à s'en décaper le palais royal. Il est partout et à nulle part à la fois, tangible et intangible, visible et transparent. On le veut tous éperdument, on en rêve même les yeux ouverts. Qu'à cela ne tienne, certaines personnes auront le bonheur facile, et le posséderont instantanément, presqu'injustement, tandis que d'autres feront des pieds, des mains et toutes les «steppettes» de l'univers pour arriver à s'y habituer, mais grimaceront plus souvent qu'à leur tour dans le processus. Bien des gens abandonneront en cours de route, se disant que de toute façon, ils ne s'y feront jamais. Broyer du noir est bien plus aisé! C'est d'une tristesse infinie que voir des gens passer leur tour lorsqu'il s'agit d'être heureux.


La coriandre et le bonheur: Même combat, que je te disais. Mais vraiment? Tout à fait. Lorsqu'on n'a pas les papilles développées en conséquence, les deux peuvent sembler nous rouler en bouche et éclater notre cerveau avec leur amertume plus intense qu'une séance de kickboxing. Le bonheur, vois-tu, ne vient pas naturellement à la plupart des individus. Il n'y a rien d'inné là-dedans. On dirait qu'on nait prédestiné à lui courir après pendant toute notre vie comme des poules pas de tête. Quand on ne bousille pas ses chances soi-même en faisant de l'évitement volontaire, notre frein de secours tiré au maximum, on ne travaille pas non-plus à éliminer les contaminants qui bloquent notre accessibilité à la dite chose: La peur du ridicule, la fermeture d'esprit, l'amour-propre et le confort excessif. Pourtant, toute ta vie durant, on t'aura gavé de belles phrases chics and swell du genre: «L'argent ne fait pas le bonheur» pour te prévenir de te laisser un peu d'espace pour les émotions dans le fond de tes tiroirs un peu trop remplis de bobettes et de vieilles paires de chaussettes.


Comme la coriandre, le bonheur est un ingrédient, il n'est pas une finalité. Il fait partie d'une multitude de recettes qui permettent de rendre ton plat plus harmonieux, moins fade et plus équilibré. Vivre est une finalité. Vivre librement l'est encore plus. Pour y arriver, il faut être heureux de ses choix quotidiens, de ce qu'on ajoute à notre routine et de ce qu'on a réussi à en éliminer. Il faut parsemer notre vie de moments de bonheur pour atteindre cette paix d'esprit tant prisée. On ne peut pas toujours bourrer notre recette de bonheur, d'ailleurs. C'est comme le sel, ça finit par boucher les artères. Pour la coriandre, c'est identique, elle ne s'harmonise pas avec tout. Par moments, le bonheur excessif déstabilise autrui, ou est carrément inapproprié. Il donne envie de vomir sa vie. Il faut savoir doser ses élans. Les «cilantro haters» ressentent la même chose. Souvent, leur dégoût de la coriandre vient d'une première mauvaise (très mauvaise) expérience où l'herbe a été utilisée à outrance ou dans le mauvais plat. Après l'avoir vomi à s'en faire exploser les veines de paupières, ça donne moins le goût de s'y risquer de nouveau, n'est-ce pas?


Certaines personnes sont justes allergiques au bonheur, à l'instar de la coriandre. Dans les deux cas, l'allergie existe bel et bien, pas de doute là-dessus. Parfois, la moindre effluve de bonheur provoque une réaction corporelle instantanée chez ceux qui en ont développé l'intolérance. Ils se crispent, transpirent excessivement, ont la respiration courte et claquent compulsivement des genoux et de la mâchoire. Et leur docteur Jekyll se convertit en Mr. Hyde sans crier gare, chassant le bonheur comme s'il était un indésirable de la pire espèce. Ils font les trouble-fêtes pour réduire en poussière la douce euphorie des autres, transformant leur miel en vinaigre en remarquant toujours l'épine avant la rose.

D'autres passent leur vie à ressasser le passé en véritables radoteurs, comme s'il était coupable de tout. Ils nous blablatent des: «Que veux-tu, j'étais comme ça quand j'étais petit.» ou des «Si mes parents ne m'avaient pas empêché de poursuivre, je serais un grand champion aujourd'hui». Tout au long de leur existence, ils parleront au passé, et n'envisageront que très rarement l'avenir, sauf pour le ruminer d'avance d'un air de bovidé. Le passé rend dépressif et l'avenir rend anxieux, soit dit en passant. C'est l'harmonie avec le présent qui amène la paix.


Les gens qui ont toujours une bonne excuse me tapent sur le système nerveux, pas toi? J'en ai marre d'entendre des «quand je serai plus mince, je ferai du sport» et des «quand mes enfants seront grands, je vais me gâter». Come on! En quoi la parentalité devrait être un fardeau? Bien que le sacrifice fasse partie de l'équation incontournable, lorsqu'on a un petit, où est-il écrit qu'il faut tout lui donner et ne rien garder pour soi? N'est-ce pas la recette PAR-FAI-TE pour pondre un enfant-roi? Et penses-y un peu, ces fameux enfants-rois ne sont-ils pas d'éternels insatisfaits, lorsqu'ils deviennent de jeunes adultes? Si tu n'es pas heureux toi-même, attention de ne pas trop arroser le chiendent qui pourrait faire de ton enfant un adulte encore plus malheureux que ta propre personne! Et s'il déteste la coriandre en plus, alors là, tu auras carrément créé un monstre! (Bon. J'exagère. Un peu. Mais ce mignon petit climax était tout de même bien à-propos pour mettre du suspens dans la patente, non?) Ton bonheur ne dépend que de toi, pas des autres. Je t'aurai prévenu.


Dans le fond, le but n'est pas de devenir accro à la coriandre du jour au lendemain. Il faut simplement commencer à accepter sa paisible inclusion dans notre environnement à petites doses, quitte à la garder comme une jolie plante ornementale si on n'a pas envie de se farcir la bouche des ses petites feuilles vertes. Déjà, on pourra au moins apprendre à vivre à ses côtés paisiblement, en la jaugeant en catimini au quotidien. Pour le bonheur, c'est aussi ça, la clé. Si on ne se sent pas capable de le dévorer à belles dents, on peut au moins s'accoutumer à le côtoyer à tous les jours, lui faire un peu de place entre quelques babioles, le zyeuter et l'apprivoiser pianissimo, pour qu'il s'installe peu à peu dans le décor de notre vie sans qu'on n'en fasse une histoire à dormir debout.


Keep calm et vive la coriandre! (pardon, le bonheur!)



| par La vie est un piment

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