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Dans ma drôle de tête


«L'imagination est la folle du logis.» (Nicolas de Malebranche)

Dans ma drôle de tête, il se passe des trucs pas trop cathos à longueur de journée, c'est immanquable. Je suis née comme ça, tête de pioche, femme de tête, un tantinet tête brûlée, avec plein d'idées derrière la tête.. et en prime, je suis un peu chiante. Ça tape sur le système nerveux du commun des mortels et ça en choque d'autres, mais c'est le «b-a ba» de ma vie et si tu y regardes de plus près, tu trouveras certainement bien des excentricités et quelques idées saugrenues à te mettre sous la dent pour te sustenter l'ennui. Si certains te diront que mon imagination est un cadeau céleste des plus précieux et du coup, un accès direct à un monde éclaté sans avoir à me geler la fraise pour y entrer, d'autres te chuchoteront à brûle-pourpoint qu'elle est débordante comme une cuvette de toilette bouchée qu'on vient de flusher (Vite! Un plombier!)... Je ne suis pas une tête de nœud ni une tête de turc ni une tête enflée ni une tête de linotte. Mais j'ai la tête que j'ai.


C'est que je m'étale, je m'éparpille, je m'épanche, je m'excite... Je déborde, bref. En véritable Ferrari des mots, que j'enfile d'ailleurs à la vitesse de la lumière, je «verbomotorise» à outrance (JE SAIS!, ce verbe n'existe pas, mais j'ai l'imagination fertile comme une Déméter [1], et ça me donne tous les droits linguistiques, bon!). Il y a aussi de la mémoire à revendre dans ce coffre à outils-là. Mon souvenir le plus lointain est bizarrement une orange... Une belle grosse orange qu'on m'avait tendue lorsque je visitais ma maman à l'hôpital à l'heure du p'tit déj, elle qui venait de mettre ma sœur au monde. J'avais dix-huit pauvres petits mois de rien du tout, mais je me rappelle clairement de l'orange. Et je présume que c'est ce souvenir qui a scellé la couleur de mon aura à l'orangé, la couleur de l'extravagance, de la créativité... et de la sexualité, faisant de moi une croche-penseuse de la pire espèce. Mouais.


L'imagination chez moi, ce n'est pas né d'hier. J'ai toujours eu des racines et des branches en fleurs qui me sortaient par les oreilles. Enfant, je dessinais des livres avant même de savoir écrire mon prénom. Mon premier succès littéraire s'appelait «La couleur rouge et l'âne»... À savoir où j'avais défriché ces deux personnages incongrus, mystère! Ma mère avait l'odieux de traduire mon langage d'enfant en belles lettres propres sous mes dessins un peu abstraits. J'avais déjà ce petit côté Kandinsky [2] bien ancré, et je le laissais amplement extérioriser sa créativité inépuisable... sur les murs du salon à grands coups de crayons de cire. Ça devait être rigolo à frotter... J'imaginais ma mère s'exclamant de joie devant mes chefs-d'œuvre enfantins: «Oh! Une sublime fresque vient d'apparaitre sur mon mur! Ça doit valoir une fortune! L'art abstrait se vend si bien, de nos jours! À moi l'oseille et la vie des gens riches et célèbres!» C'est sûr et certain qu'elle disait cela. Je l'imagine trèèèèès bien. Le maniement du crayon de cire est un art et une maman ne critique JAMAIS les talents en dessin de ses marmots, de toute façon. Sans quoi elle les feraient pleurer... comme une vraie Madeleine.


Déjà, je pense trop. Sans arrêt. Même en dormant. Ça doit être pour ça que j'ai les cheveux aussi raides. Ah! C'est ça, l'affaire! L'ébullition en continu de mon cerveau doit créer de la satanée vapeur qui me lisse les cheveux comme le ferait un fer plat et ce, contre mon bon gré. Si c'était mon choix, j'aurais un bel afro bien crépu, et je me ferais une fierté de l'exhiber à la planète entière. Rien n'est plus beau qu'une caboche bouclée un brin hirsute. Mais non, j'ai plutôt une crinière de paille (soupirs). Maudit cerveau fatiguant qui m'empêche de frisotter! Ça explique probablement aussi qu'aucun mouton ne dort en moi. Je suis plutôt un quetzal. J'aime m'envoler dans ma tête à grands battements d'ailes quand j'ai un petit instant pour m'y laisser aller, et comme un oiseau, les frontières, mon cerveau ne les reconnaît pas. Je flotte aux dessus d'elles en toute normalité, amalgamant Birmanie et Mali, Nouvelle-Zélande et Thaïlande, Uruguay et Îles Féroé. La seule géographie qui vaille dans mon existence déjantée est celle qui détermine ma destination de vacances annuelle, car même si j'ai des ailes de quetzal, j'ai tout de même besoin d'un billet d'avion. Pour le reste, je conçois le monde comme un vaste terrain de jeu où chaque culture apporte à l'autre, chaque langue est une richesse bénie des dieux et chaque femme à quelque chose à m'apprendre dans mon identité féminine. Je m'imagine à leur place, j'échange ma vie contre la leur et, du moins dans mon imagination, c'est moi qui porte un lourd seau d'eau planté en équilibre sur le crâne, qui porte un niqab en société ou qui dirige l'Allemagne, et je tente ainsi, à coup de projection, de décortiquer le fonctionnement de notre petite planète bleue qui ne tourne pas toujours rond. Être toutes les femmes en même temps, c'est ma façon d'être féministe.


Oui, ça se bouscule dans mon ciboulot. Ça donne souvent l'impression que je suis un brin cinglée, mais ça fait partie de mon charme légendaire, je n'y peux rien. Je me parle à moi-même, je radote, je ricane sans avertissement préalable, je synthétise à voix haute toutes les idées qui se bousculent comme des quilles qui tombent en un coup (un abat!)... Et les mots! Mon Dieu! Tous ces mots que je dis en une seule journée... J'en utilise qui traumatisent la galerie. J'invente des verbes, des expressions, c'est mon dada, comme mon maintenant célèbre «cinquasepter [3]» (santé!). Je fais des crises «d'aboutisme aigu [4]»... C'est comme une appendicite aiguë, mais sous forme de crise de nerfs. Je fais de la «ventilation tartare» au moins un vendredi midi par mois avec ma best [5]. Ça signifie carrément que je m'échoue comme une baleine sur la côte dans un de mes restos préférés pour luncher devant une assiette de tartare de saumon bien goûteux et j'en profite pour ventiler ma vie à qui mieux-mieux. Aussi, je «shavasanaze»... ou si tu préfères, je fais du yoga dans mon lit, je m'enlise dans mon matelas, je me couche sur le dos et je reste immobile presque jusqu'à ce que mort s'en suive. Je décris souvent les endroits comme étant «perdus dans le fin fond du Far West» lorsque je les considère éloignés (ok, quand je parle d'un trou, appelons un chat un chat). Je suis passée maître dans l'art de la mathématique langagière. Je connais ça, l'algèbre grammaticale et toutes les pirouettes qui viennent avec.


Côté lexical, je suis un puits sans fond de créativité. Je suis du genre à m'amouracher de certains mots comme une ado qui rencontre un super beau gars et qui soudainement ne jure que par lui... J'adore les prononcer à haute voix et dévoiler toute leur musicalité. Ainsi, j'aime follement le mot anglais «capsicum». C'est un poivron, au cas où tu ne le savais pas. Je l'ai appris en regardant les épisodes de Masterchef Australie en rafale, et aussitôt que Gary [6] l'eut prononcé une fois, c'est resté collé dans mon esprit comme une mouche sur un rayon de miel. J'aime bien le mot «imputable». Il me semble que je passe mes journées à le dire: «Tu es imputable de ceci, je suis imputable de cela.» Imputable, imputable, imputable... Ça a un goût de bonbon en bouche, ce mot. Ça me donne un soupçon de sérieux papal. J'aime d'amour fou les mots «boho chic», même si ça réfère à un style vestimentaire hippie des temps modernes... ce que je ne suis pas. Alors, pour pouvoir les prononcer le plus souvent possible, je me suis achetée une veste de laine brune bien «lousse» dans un catalogue californien en ligne. Quand on me parle de ladite veste, je plug l'expression et ça fait ma journée. «Ça te plait? C'est le look boho chic.». J'aime particulièrement dire meya meya, une expression égyptienne. Ça veut dire super, excellent, top, cool. Je le crache tellement souvent que les petites nièces de mon amie Hend me disent meya meya en levant le pouce quand elles me voient. Tout est meya meya. La bouffe, les chaussures, les paysages, la température... L'univers est meya meya! On dit cela une fois et on est accro pour la vie. Tout comme le superbe ausgezeichnet allemand, qui veut carrément dire la même chose et qui sonne si bien à voix haute! J'aime aussi le mot «incommensurable». Si tu me lis régulièrement, tu sais déjà que je l'utilise à outrance. Je le place aussi naturellement dans une conversation que d'autres parlent de leurs enfants. Si tu demandes à Monsieur Larousse, il va te dire que c'est ce «qui est d'une étendue, d'une grandeur si considérable qu'elle ne peut être mesurée [7]». Tout est incommensurable, au diable les limites! Quand il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir, du moins pas assez à mon goût. Si tu veux toucher le ciel autant que je le veux, ça te prend de l'incommensurable dans ta vie. Je suis friande des discussions incommensurables, pauvre toi qui m'endure, mais tu survivras. J'ai déjà rencontré pire que moi en ce chapitre, et ça m'a consolé... incommensurablement.


Je n'ai pas juste des mots en tête, j'ai aussi des idées folles à lier, des concepts qui me poppent comme du maïs soufflé éclatant soudainement dans mon esprit au goût de beurre salé. Ainsi, je suis capable en un éclair d'illumination divine de décider tout de go de me taper une dizaine d'allers-retours «Riki Beach-Mourrial» pour aller encourager mon club de foot. L'idée passe et je l'attrape au vol comme un rapace sa proie. Et vlan! Je suis assez motivée pour m'enticher d'une langue en voyage au point de vouloir l'apprendre... et de passer à l'acte. J'ai appris le turc et je ne peux même pas le pratiquer à la maison. Mais ça me donne une bonne occasion de retourner en Turquie... souvent. Très souvent. Comme si c'était la maison. Après tout, Istanbul est un des grands amours de ma vie et je me dis que si jamais je gagnais à la loterie, acheter un appartement à Üsküdar serait ma première dépense loca. J'ai déjà tout imaginé ce que je ferais avec l'argent, d'ailleurs. Ben quoi? C'est excellent pour le cerveau de se projeter dans l'avenir. Surtout dans un avenir de multimillionnaire «crinqué», tu en conviendras. J'aurais donc un appartement à Üsküdar, un autre à Dokki au Caire (parce que c'est mon quartier cairote favori, avec ses cafés, ses narghilés - un autre de mes mots préférés - et ses belles rues ombragées...) et un Vespa rose «gomme baloune» hyper vintage avec des paillettes incrustées dans la peinture, pourquoi pas? C'est ringard, mais ça me plait ainsi et le kitsch n'a jamais tué personne (il a crevé bien des yeux, par contre). J'aurais aussi une collection de talons hauts (wait, j'en ai déjà une!). Ça travaille si fort dans ma tête que j'ai bâti d'avance des itinéraires exotiques pour au moins une centaine de voyages à faire. Je veux absolument voir Téhéran, Bagan, Kazbegi en Géorgie, l'Ouzbékistan au grand complet et le Salar d'Uyuni. Si tu t'attendais à lire Paris, Rome ou Madrid, c'est que tu n'as pas encore compris que ma tête fonctionne autrement. Et que c'est pas de ma faute si mon cœur bat la chamade devant des minarets et des plaines perdues dans le nowhere plutôt que face à des châteaux ancestraux.


Quand on a une tête aussi fromagée que la mienne (lire tête de cochon), qu'on est tout sauf un béni-oui-oui (ah! Un autre mot plaisant!), on doit toujours se justifier. Les gens questionnent tes réels motifs à longueur de journée et veulent te comprendre, même si tu sais bien que ça prendrait une psychanalyse freudienne. Sois on passe pour un flasheur ou un assoiffé d'attention qui fait différent pour se démarquer, sois on passe pour quelqu'un de déséquilibré. Et dans les faits, on n'est rien de tout cela. On est juste bêtement soi. Mais le jugement d'autrui, il me coule comme de l'eau sur le dos d'un canard. En vérité, je ne sais pas vraiment pourquoi j'écoute la musique de Mashrou' Leila ou du Trio Mandili ou de Sıla ou de Yuna, dont je ne comprends qu'un mot ou deux (merci d'exister, Google traduction!)... Ou si, je le sais. C'est le son qui m'envoûte, qui m'envahit et réchauffe toutes les parcelles de mon âme comme un thermostat. Avec de la musique aussi douillette à l'oreille, je n'ai jamais froid. Si tu me vois greloter, alors là, c'est que j'ai choppé un rhume à la con. Sinon, j'ai ma musique pour m'habiller chaudement et m'emmitoufler.


Je suis celle qui a une sonnerie de mobile bollywoodienne. Que veux-tu, j'ai craqué pour Nimbooda dès la première note, je suis fan finie de l'Inde, et Aishwarya Rai est ravissante dans ce film. De plus (tu t'en doutes fort bien), j'adore l'agacement «malaisant [8]» que ça cause à mon entourage quand quelqu'un m'appelle et que cette drôle de voix trop aiguë s'exclame à tue-tête: «Nimbooda nimbooda nimbooda..» Je suis cette semi-végétarienne, un terme qui ne veut absolument rien dire sauf que je mange beaucoup de légumes et pas de viande certains jours, plus par hasard que par conviction. Je suis cette amie qui raffole de s'entourer d'une meute au caractère fort, de gens ayant du vécu. Leurs histoires déconcertantes, leur absence de langue de bois et de leur vie de jeunesse bien remplie me plaisent volontiers et si je pose beaucoup de questions, je ne suis ni élitiste ni snobinarde, aimant m'entourer de ceux qui me feront sortir de mes confortables habitudes. Je suis aussi celle qui craque pour le breuvage le plus infect d'une épicerie chinoise, parce que l'imagination éveille la curiosité, qui elle, donne du fait même envie de goûter à des machins «weirdos», et mon hypothèse est que toute cette effervescence cérébrale me dérange forcément les goûts, et pas à peu près. Je me gave donc de thé au lait froid (à saveur de chocolat, si possible), d'eau de coco, d'Inca Kola et de Fayrouz, une boisson maltée qui est la cause de bien des carries dentaires. Ça donne soif de penser sans arrêt. Oui, je suis bizarre, mais assumée. Tu peux donc l'affirmer sans gêne.


Être le hamster qui court frénétiquement dans ma tête, je serais vanné. Il doit être le Hussain Bolt des hamsters, non, le Forrest Gump, pauvre p'tit chou. En plus de courir comme un débile, je lui fais tenir ce blog, lui qui n'a probablement même pas fini l'école des hamsters tellement je l'ai sollicité tôt dans ma tendre jeunesse. Il doit gérer la panoplie de sentiments de tout acabit qui hante mes pensées, il doit me tempérer quand je me ronge les sangs, m'organiser quand je tente de créer une recette qui n'augure rien de délicieux avec le «touski [9]» de mon frigo, m'aider à méditer quand je me fais soudainement spirituelle à souhait et que je me tape par curiosité le Carême, le Yom Kippour et le Ramadan la même année, il doit me donner la permission de m'éclater avec ma kyrielle d'amis exotiques quand ça s'y prête, danse du ventre, henné, michelada et piñata, me laisser traiter mes toutous comme des enfants, il doit fermer les yeux lorsque je me révolte et que je deviens intempestive et incisive, que je mords et que je grogne, et m'autoriser à être fleur bleue à mes heures, ce petit myosotis de sentimentalité, de romantisme et de naïveté momentanée. Finalement, le hamster, gardien probablement épuisé de mon organe cérébral brûlant, doit accepter de me voir rêver non pas dans l'immobilisme, mais dans l'espoir et le positivisme, quitte à passer pour une idéaliste un peu cucul. Car dans ma tête, ça rêve, et ça le fait en grand. Puis, un jour, ça passe à l'acte, envers et contre tous, ça déplace de l'air et ça provoque des réactions. Parce que dans ce coco, rien n'est dans l'ordre attendu des choses et rien n'est calculé. Ionesco disait: «La vérité est dans l'imaginaire.» Il avait probablement raison, car les gens sont certes mille fois plus honnêtes dans le confort de leurs pensées soyeuses que dans le blanc des yeux et tous les remèdes aux grands maux du monde viennent des créatifs les plus convaincus et assumés.


Ça fait longtemps que ma drôle de tête et moi, on cohabite harmonieusement. J'aime le fait que mon cerveau fait le sale boulot pendant que je roupille, me dotant parfois d'éclairs de génie matinaux ahurissants. J'adore le fait d'avoir cette mémoire éléphantesque, d'être capable de me rappeler de minuscules détails de mon enfance sans soucis, des personnages que j'avais créés, que j'appelais Grémix, ou bête-à-poils (comme dans poilu, pas comme dans tout nu), et Marina, Goldie et Joannie, les personnages de mon photoroman, créé avec des découpures de catalogue Sears... Je suis amusée de penser que j'ai voulu devenir chimiste, astronaute, agent de bord, ballerine, journaliste de guerre, commentatrice de baseball, romancière, interprète en langue russe et prof de français...Pour finalement faire autre chose. Je suis celle que je suis et tu n'y peux rien. Grazie mille de vouloir m'aider à me «décomplexifier» l'existence (ouf, je me croirais au bureau en écrivant ces mots), mais ça me plait quand c'est compliqué. Ce n'est pas pour rien que j'écris de si longs textes. Mon envie de mettre des mots sur mes pensées échevelées est une maladie incurable, et tu devras donc vivre avec mes longueurs et mes redondances. Ça me rend sympa, ce petit côté radoteur, de toute façon. Come on!


Et si tu me croises un jour avec mon chapeau et ma veste en laine à faire la tête, l'air grognon et la moue dégoûtée, et que je chante à tue-tête que j'ai la tête dans le cul aujourd'hui, fais-moi plaisir et dis que le boho chic me va à ravir. À la tête que j'aurai, tu comprendras tout, pour un instant.




[1] Déméter, déesse grecque de la fertilité et de l'agriculture, et mère de Perséphone.


[2] Vassily Kandinsky, peintre russe, et l'un des fondateurs de l'art abstrait.


[3] faire le happy hour.


[4] je suis à bout de nerfs.


[5] meilleure amie


[6] Gary Mehigan, chef et un des juges de Masterchef Australie


[7] definition du larousse.fr


[8] qui crée un malaise


[9] les restes



| par La vie est un piment

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